L'arc-En-Ciel Blanc by Yoshimura Akira

Auteur:Yoshimura, Akira [Yoshimura, Akira]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Actes Sud Éditions
Publié: 2012-01-04T23:00:00+00:00

II

L’inhumation ce jour-là se déroula dans le cimetière derrière le temple après la pluie.

La pluie formait une flaque d’eau pure dans la tombe déjà creusée et les feuillages détrempés, éblouissants au soleil, s’y reflétaient, d’un vert encore plus intense.

Le cercueil fut descendu dans la tombe. Il y eut un bruit d’eau, comme celui d’un poisson qui saute, quand le cercueil plongea.

Les pelletées de terre mouillées tombaient dans un bruit d’eau sur le tissu blanc qui le recouvrait.

La terre regorgeant d’eau s’entassait en un gros monticule sur la tombe. Jirô tapa soigneusement dessus avec ses paumes, le recouvrit d’une grossière natte de paille et choisit de grosses pierres qu’il posa dessus.

Après avoir lavé les houes avec soin, Jirô retourna à la maison endeuillée, avec un peu de retard sur les autres, sur le chemin gorgé d’eau. Il fit le tour par-derrière pour passer par la porte de service, où assis sur le sol de plancher, il prit son repas devant une assiette de viande et de légumes mijotés à la sauce de soja. Ensuite, après avoir reçu son argent à l’intérieur d’une feuille d’épais papier pliée en deux, il sortit.

Suivant le chemin des rizières, il arriva à la route nationale. Sur le bitume, la pluie stagnait encore ici ou là, tandis que sur la route miroitante passait un camion chargé de grumes qui se dirigeait vers la fabrique de pâte à papier.

Des enfants ayant repéré Jirô au premier coup d’œil l’approchèrent d’un air rusé.

— Jirô, t’avais encore un enterrement ?

— Combien on t’a donné ? Tu vas acheter quoi avec l’argent ?

Les enfants le suivaient à bonne distance en le chahutant.

Mais Jirô pressait le pas en silence. S’il leur tenait tête un tant soit peu, les enfants se moqueraient de lui encore plus.

La chaîne de montagnes qui ondulait aux lointains commençait à s’assombrir, couleur de pétrole. Sa chemise trempée avait séché, mais maintenant elle était humide de sa transpiration.

Au moment où il allait s’engager sur le pont métallique à l’extrémité de la ville, les couleurs du soir s’élevaient déjà du large lit de la rivière. Il entra dans une rue bordée de maisons où les lampes commençaient à s’allumer. C’était le moment étrangement calme de la soirée où les silhouettes humaines se raréfiaient.

Ayant tourné au coin de la rue, Jirô se retrouva au milieu de maisons pressées les unes contre les autres comme des amas de vieilles planches. Des carrioles de chiffonniers étaient abandonnées un peu partout, encombrant le passage.

Il apercevait au fond de la sombre ruelle la maison où il se rendait. Ses jambes s’immobilisèrent soudain, il resta cloué sur place.

Cette humble maison abritait Tokiko. Quelques semaines auparavant, son père malade l’avait entraînée dans une tentative de suicide sur la voie ferrée. On disait que, retenant le corps de Tokiko qui portait un nouveau-né sur le dos, il était assis correctement sur les rails. Heureusement, juste avant le passage du train, ils avaient été découverts par l’homme chargé de l’entretien des voies, mais ce fait divers relaté dans le journal local avait éveillé l’intérêt de la population en mal de sujets de conversation.

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